Les derniers pas
Ce soir, je crois pouvoir dire que je l'ai vu faire ses derniers pas.
Il y a quelques minutes, aidé de son fils, il a voulu que je l'accompagne aux "pip's room", en traînant tous ses branchements devant ou derrière lui. Au milieu du couloir, en s'écriant "Je dois m'asseoir !", il s'est écroulé dans les bras de celui dont il a guidé les premiers pas.
La morphine est trop forte depuis ce soir, pour qu'il garde quelque indépendance ou mobilité que ce soit.
Mais la nuit dernière et cette journée ont été trop douloureuses pour qu'on ne demande pas au médecin spécialiste de la douleur de "faire quelque chose". D'autant plus que, pour la première fois, Jean-Marc m'a demandé cet après-midi, au plus fort d'une crise de souffrance : "Sabine, tu sais quand je vais mourir ?" (Il a depuis quelques jours l'impression que je serais dans les secrets des dieux, détentrice de confidences qui lui échapperaient...)
A ma réponse : "Non, Marco, je ne sais pas. Je n'en ai aucune idée, je te le promets." Il a rétorqué dans un souffle infiniment las : "Je n'en peux plus... je n'en peux plus..." avec le visage chiffonné de fatigue douloureuse.
Je publie tout de suite ce mot avant d'aller, à minuit, brancher la perf de 'Perfalgan', censée optimiser l'effet de la morphine.
Merci pour vos prières.