Engagez-vous qu’y disaient !

Et ça fait donc une semaine que nous sommes repartis à la maison avec, sous le bras la « Note d’information destinée aux personnes participant au protocole de recherche biomédicale »

Il n’a rien lu ! Moi, si ! Et j’ai sangloté, toute seule, devant la liste des effets secondaires possibles avec les nouvelles molécules proposées dans les "bras" 2 et 3.

Nous nous retrouvons ce matin dans la salle d’attente, où - rapidement  est un euphémisme- Jean-Marc survole les documents qu’il devra signer dans quelques minutes pour accepter ou non d’être un « cobaye pour son bien ». C’est comme ça qu’il vit les choses. Ainsi que « ne rien savoir à l’avance vaut mieux que panique et gamberge en sachant ».

Et moi, bêtement, je sais car j’ai lu, et j’ai peur qu’il tombe sur les mots qui font peur. J’ai peur qu’il découvre ce qui risque – ou pas – de lui arriver. Je le protège. Et d’un seul coup je me rends compte assise à côté de lui, que j’amène mon "protégé", mon "petit", mon "fragile" mari, voir le potentiellement vilain méchant docteur qui risque de lui faire bobo !

Je me ressaisis en entrant dans le cabinet médical : mon mari est un adulte, je ne suis pas sa mère, il n’a pas besoin de moi pour le protéger. Je suis sa femme, et rien de plus… et en plus incapable de vivre ce qu’il vit car ce n’est pas à moi de le vivre mais à lui ! Reste à ta place, ma fille. On ne t’a rien demandé de plus !

Du coup, je suis calmée pour me concentrer sur ce que l’oncologue explique encore : il sera hospitalisé 3 jours pour la première chimio, car c’est la plus toxique pour son cœur, et il faut surveiller l’effet que cela va faire. Prudence avec l’oxaliplatine. Les prochaines chimios se feront en ambulatoire : il restera trois heures à l’hôpital et une infirmière viendra à domicile le "débrancher" de son "baxter ?".

Est-il décidé pour le traitement  choisi ? Accepte-t-il les essais cliniques… Je retiens ma respiration. Ne pas paniquer avec la danse des mots qui volent devant mes yeux : thrombose, irrémissible, bloque les vaisseaux, hyper tension, irrémédiable… j’en passe et des meilleurs.

Je l’entends articuler : « J’accepte les essais cliniques ! Où voulez-vous que je signe ? »

Je retiens mes larmes pendant que la cancérologue le félicite ! « Je crois que c’est un bon choix, monsieur ! Vous allez être suivi de très, très près, si le tirage aléatoire de l’ordinateur vous fait entrer dans les "bras" expérimentaux. »

Elle est contente. Il signe. Nous sortons. Je m’adresse vers le Ciel : « A toi de jouer ! Il parait que le Hasard est le nom que Tu t’es choisi pour passer inaperçu ! Aujourd’hui, Ton nom, c’est : aléatoire ! Vas-y, Aléatoire, fais ton boulot de Dieu ! »